lundi 27 août 2012

Comment vivre sans carbone et sans croissance ?

Article du site http://www.jeune-dirigeant.fr (23/07/2012) : 

Depuis plus d’un siècle, nous sommes totalement dépendants du pétrole, et il va bien falloir que nous apprenions à nous en passer. Tel était en substance le message de Jean-Marc Jancovici*, au deuxième jour du congrès de Montpellier, et sa démonstration, pour l’étayer, était claire et argumentée.

Point de départ de son raisonnement : l’énergie est au cœur de tout changement. Qu’il s’agisse de modifier la température, la vitesse, la composition chimique ou atomique de la matière, ou encore les effets de la gravitation, cela nécessite de l’énergie. Et réciproquement, utiliser de l’énergie, c’est obligatoirement changer quelque chose. C'est pourquoi il n’y a pas d’énergie « propre » ou neutre. L’énergie transforme le monde.

La découverte de stocks naturels d’énergie abondants – les énergies fossiles – a ainsi été le levier d’une transformation radicale et de plus en plus rapide de nos sociétés devenues industrielles. Le pétrole, en particulier, nous a mués en « surhommes » pour un coût très modeste, le seul prix de son extraction, puisque le produit lui-même nous est fourni gratuitement par 15 milliards d’années d’évolution. (Dans un produit quel qu’il soit, en effet, on ne paye que le travail et le capital nécessaires à sa récolte et à sa transformation, jamais la matière première elle-même gracieusement offerte par la planète.).

200 esclaves énergétiques
L’énergie mécanique fournie par les bras humains est de l’ordre de 0,5 kWh, ce qui porterait ce kWh mécanique, au coût actuel du travail, à environ 200 euros. Un litre d’essence, à 1,6 euro, a un rendement effectif de 4 kWh, soit moins de 50 centimes du kWh ! Si bien que nous consommions 1 500 kWh par an et par personne, en 1850, et aujourd’hui, plus de 20 000, soit une augmentation annuelle moyenne de 2,5 %. Sans énergie fossile, nous aurions besoin de 100 à 200 « esclaves énergétiques » pour arriver au même confort.

Tous nos modes de vie actuels dépendent de l’énergie. Il est amusant de constater que l’on ne divorce que dans les pays gros consommateurs d’énergie : la séparation demande plus de logements, d’ameublement, de chauffage, de transports, d’outils de communication…

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si nous n’avions pas oublié que ces généreux stocks d’énergie fossile ne sont pas renouvelables, du moins à l’échelle humaine. Nous y avons puisé sans réserve et aujourd’hui, ils s’épuisent.

Pic pétrolier et PIB mondial
Selon Jean-Marc Jancovici, nous avons atteint en 2005 le fameux « peak oil », le pic à partir duquel la production pétrolière plafonne, pour décliner lentement. Il en veut notamment pour preuve une baisse de 10 % des importations et de la production pétrolière et gazière en Europe depuis cette date.

Or, puisque nos économies modernes reposent sur la transformation de toutes choses grâce à de l’énergie, dès que celle-ci décroît, l’économie ne peut que suivre sur cette pente descendante. Les tableaux statistiques montrent clairement qu’il y a un lien étroit entre la courbe du PIB mondial et celle de la production de pétrole : c’est l’abondance de pétrole qui a alimenté la croissance au XXe siècle et c’est bien la baisse de sa production qui entraîne directement aujourd’hui la baisse du PIB (et non l’inverse, comme on le fait parfois croire). Il ne faut pas aller chercher ailleurs les raisons profondes de nos difficultés économiques.

Un avenir désirable
Plus vite nous épuiserons les stocks d’énergie fossile, plus vite, donc, nos économies s’effondreront. Car, même s’il est indispensable de développer rapidement les énergies renouvelables, il ne faut rien en attendre de substantiel dans les années qui viennent : elles ne représentent qu’une part très minime de la production énergétique mondiale. Quant au charbon, les importantes réserves qui restent devraient rester sous terre, car, très riche en C02, il représente un vrai danger pour le climat, l’autre contrainte à laquelle nous allons devoir faire face et qui demande de diviser par 3 nos émissions de CO2, d’ici 2050.

L’équation à résoudre est donc celle-ci : nous allons devoir repenser notre économie sans croissance, avec une énorme dette accumulée et en nous déprenant progressivement, mais le plus rapidement possible, des énergies fossiles. Comment construire un avenir désirable en nous focalisant sur une économie décarbonée ? Un nouveau modèle est à inventer et l’Europe peut en être le moteur.

* Jean-Marc Jancovici est ingénieur de l’École polytechnique, consultant et enseignant. Il a collaboré, en 2007, à l’élaboration du Pacte écologique de la fondation Nicolas Hulot. Il est l’auteur, entre autres ouvrages de Le Plein, s’il vous plaît ! (Seuil) avec Alain Grandjean.

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