Article du site http://www.jeune-dirigeant.fr (23/07/2012) :
Depuis plus d’un siècle, nous sommes totalement
dépendants du pétrole, et il va bien falloir que nous apprenions à nous
en passer. Tel était en substance le message de Jean-Marc Jancovici*, au
deuxième jour du congrès de Montpellier, et sa démonstration, pour
l’étayer, était claire et argumentée.
Point de départ de son raisonnement : l’énergie est au
cœur de tout changement. Qu’il s’agisse de modifier la température, la vitesse,
la composition chimique ou atomique de la matière, ou encore les effets de la
gravitation, cela nécessite de l’énergie. Et réciproquement, utiliser de
l’énergie, c’est obligatoirement changer quelque chose. C'est pourquoi il n’y a
pas d’énergie « propre » ou neutre. L’énergie transforme le monde.
La découverte de stocks naturels d’énergie abondants – les
énergies fossiles – a ainsi été le levier d’une transformation radicale et de
plus en plus rapide de nos sociétés devenues industrielles. Le pétrole, en
particulier, nous a mués en « surhommes » pour un coût très modeste,
le seul prix de son extraction, puisque le produit lui-même nous est fourni
gratuitement par 15 milliards d’années d’évolution. (Dans un produit quel qu’il
soit, en effet, on ne paye que le travail et le capital nécessaires à sa
récolte et à sa transformation, jamais la matière première elle-même
gracieusement offerte par la planète.).
200 esclaves
énergétiques
L’énergie mécanique fournie par les bras humains est de
l’ordre de 0,5 kWh, ce qui porterait ce kWh mécanique, au coût actuel du
travail, à environ 200 euros. Un litre d’essence, à 1,6 euro, a un rendement
effectif de 4 kWh, soit moins de 50 centimes du kWh ! Si bien que nous
consommions 1 500 kWh par an et par personne, en 1850, et aujourd’hui, plus de
20 000, soit une augmentation annuelle moyenne de 2,5 %. Sans énergie fossile,
nous aurions besoin de 100 à 200 « esclaves énergétiques » pour
arriver au même confort.
Tous nos modes de vie actuels dépendent de l’énergie. Il est
amusant de constater que l’on ne divorce que dans les pays gros consommateurs
d’énergie : la séparation demande plus de logements, d’ameublement, de
chauffage, de transports, d’outils de communication…
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si
nous n’avions pas oublié que ces généreux stocks d’énergie fossile ne sont pas
renouvelables, du moins à l’échelle humaine. Nous y avons puisé sans réserve et
aujourd’hui, ils s’épuisent.
Pic pétrolier et PIB
mondial
Selon Jean-Marc Jancovici, nous avons atteint en 2005 le
fameux « peak oil », le pic à partir duquel la production pétrolière
plafonne, pour décliner lentement. Il en veut notamment pour preuve une baisse
de 10 % des importations et de la production pétrolière et gazière en Europe
depuis cette date.
Or, puisque nos économies modernes reposent sur la
transformation de toutes choses grâce à de l’énergie, dès que celle-ci décroît,
l’économie ne peut que suivre sur cette pente descendante. Les tableaux
statistiques montrent clairement qu’il y a un lien étroit entre la courbe du
PIB mondial et celle de la production de pétrole : c’est l’abondance de
pétrole qui a alimenté la croissance au XXe siècle et c’est bien la baisse de sa
production qui entraîne directement aujourd’hui la baisse du PIB (et non
l’inverse, comme on le fait parfois croire). Il ne faut pas aller chercher
ailleurs les raisons profondes de nos difficultés économiques.
Un avenir désirable
Plus vite nous épuiserons les stocks d’énergie fossile, plus
vite, donc, nos économies s’effondreront. Car, même s’il est indispensable de
développer rapidement les énergies renouvelables, il ne faut rien en attendre de
substantiel dans les années qui viennent : elles ne représentent qu’une part
très minime de la production énergétique mondiale. Quant au charbon, les
importantes réserves qui restent devraient rester sous terre, car, très riche
en C02, il représente un vrai danger pour le climat, l’autre contrainte à
laquelle nous allons devoir faire face et qui demande de diviser par 3 nos
émissions de CO2, d’ici 2050.
L’équation à résoudre est donc celle-ci : nous allons
devoir repenser notre économie sans croissance, avec une énorme dette accumulée
et en nous déprenant progressivement, mais le plus rapidement possible, des
énergies fossiles. Comment construire un avenir désirable en nous focalisant
sur une économie décarbonée ? Un nouveau modèle est à inventer et l’Europe
peut en être le moteur.
* Jean-Marc Jancovici est ingénieur de l’École polytechnique,
consultant et enseignant. Il a collaboré, en 2007, à l’élaboration du Pacte
écologique de la fondation Nicolas Hulot. Il est l’auteur, entre autres
ouvrages de Le Plein, s’il vous
plaît ! (Seuil) avec Alain Grandjean.
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