Article du site www.actu-environnement.com (23/01/15) :
Les résultats de l'expérimentation menée courant 2014 arrivent à point
nommé. Le Parlement est appelé à se prononcer sur l'instauration du
dispositif dans le cadre de la loi sur la transition énergétique.
L'Ademe vient de publier une première évaluation de l'expérimentation d'une indemnité kilométrique vélo
menée auprès de 18 entreprises volontaires entre les mois de juin et
novembre 2014. Cette expérimentation avait été annoncée dans le cadre du
plan vélo présenté en mars dernier par le Gouvernement. Elle fait suite à une étude réalisée par la coordination interministérielle pour le développement de l'usage du vélo (Ciduv).
L'analyse de l'expérimentation, financée par l'Ademe et copilotée par
la Ciduv qui s'est appuyée sur le bureau d'études Inddigo, a procédé à
l'évaluation de trois indicateurs : les impacts sur la pratique du vélo,
les impacts sur la santé au travail et, enfin, les conditions de mise
en œuvre de l'indemnité kilométrique au sein des entreprises.
Les principales règles retenues pour l'expérimentation étaient les
suivantes : un paiement de l'indemnité donnant lieu à cotisations
sociales et fiscales pour les entreprises comme pour les employés, un
montant fixé à 25 centimes par kilomètre (soit entre 40 et 43 c/km
chargés pour l'employeur), une indemnité non cumulable avec le
remboursement des abonnements de transports collectifs sauf si le trajet
était multimodal, et l'exclusion des trajets effectués à vélo en
libre-service.
Les modalités de l'expérimentation
L'expérimentation a porté sur plus de
10.000 salariés au total. La moitié de l'échantillon d'enquête (4.928
salariés) était représenté par la société d'assurance MMA, implantée sur
les sites du Mans, Lyon, Strasbourg et Chartres. Les autres entreprises
de tailles variées (dont l'Ademe et Inddigo), étaient "assez bien
réparties" sur le territoire et sur des secteurs d'activités
diversifiés. La part modale vélo de départ était de l'ordre de 2,1%,
représentative de la moyenne nationale.
Un doublement du nombre d'usagers
"La mise en place de l'expérimentation sur six mois a permis de
doubler le nombre d'usagers du vélo et d'augmenter de 50 à 70% la part
modale du vélo", constate l'Ademe, qui souligne par conséquent "l'effet d'entraînement sur la pratique par l'approche financière".
L'enquête montre toutefois un impact fortement différencié selon
l'attractivité du réseau de transport en commun existant :
l'augmentation de la pratique constatée n'a été que de 5% en
Ile-de-France. "L'indemnité kilométrique (…) entre en concurrence avec le système de remboursement des abonnements aux transports collectifs", en déduisent les auteurs de l'étude.
Au delà de certaines différences constatées en termes de genre (plus
d'hommes parmi les nouveaux cyclistes) et d'âge (35-55 ans
surreprésentés), l'étude fait ressortir certains freins à l'usage du
vélo : la météo et les impacts sur le temps de travail, mais aussi le
plafond de l'indemnité financière, que la plupart des entreprises
avaient choisi de fixer entre 30 et 50 euros par mois et par employé. Ce
qui confirme le fort impact de l'incitation financière, bien que les
nouveaux convertis mettent plus facilement en avant les bienfaits pour
la santé que l'avantage financier.
Un impact sanitaire, qui ne doit toutefois pas être négligé puisque
l'expérimentation montre que l'indemnité kilométrique permet de réduire
de moitié le nombre de personnes ayant une activité physique
insuffisante et aurait également un impact sur l'augmentation de la
pratique du vélo en dehors des déplacements domicile-travail. Soit un
potentiel considérable de réduction des dépenses de santé publique.
Faible report modal depuis la voiture
"L'efficacité du report modal depuis la voiture particulière reste à démontrer",
nuance toutefois l'étude. Avant l'expérimentation, l'essentiel des
nouveaux cyclistes se rendaient au travail en transports collectifs
(54%) ou en voiture particulière (19%). Mais le report modal depuis la
voiture reste faible compte tenu de la forte proportion des employés qui
étaient auparavant en covoiturage. Pour autant, un grand nombre
d'automobilistes s'étaient déclarés intéressés par le dispositif,
relèvent les auteurs de la synthèse, qui en déduisent que la période
d'expérimentation était sans doute trop courte et l'intérêt financier
insuffisant pour franchir le pas.
En ce qui concerne la mise en œuvre du système, les entreprises
déclarent n'avoir constaté aucun abus dans les déclarations des
salariés. Nombre d'entre elles ont en revanche souligné les lourdeurs
administratives liées à l'intégration de la prime au système de
rémunération de chaque salarié adhérent. "Une exonération des
cotisations sociales et fiscales et un versement au même titre que pour
le soutien à l'abonnement transport permettrait de réduire en partie ces
contraintes", estime l'Ademe. D'autant plus que le poids financier
de la mesure est également pointé par certaines entreprises qui, de ce
fait, ont émis des réserves sur la poursuite de l'expérimentation.
Enjeu financier du dispositif
Le coût du dispositif est en effet déterminant dans la décision ou non de l'instaurer. L'étude du Ciduv avait démontré "son intérêt économique mais aussi son coût immédiat",
rappelle l'Ademe. Non seulement pour les entreprises mais aussi pour
les pouvoirs publics. D'une part, parce que ces derniers sont aussi des
employeurs, mais aussi parce qu'il était proposé d'exonérer de
cotisations sociales et fiscales les sommes versées. L'augmentation de
la part modale du vélo liée à l'instauration de l'indemnité est donc un
enjeu important, d'autant que cette dernière pourrait être cumulée avec
le remboursement de l'abonnement de transport.
En tout état de cause, tant les parlementaires que le Gouvernement
vont devoir rapidement trancher. Le projet de loi de transition
énergétique, tel que voté en première lecture par l'Assemblée et que le Sénat va examiner à compter du 10 février,
prévoit en effet la création de l'indemnité kilométrique dans le code
du travail et dans le code de la sécurité sociale. Pour inciter les
entreprises à mettre en place cette indemnité, "par nature facultative", précisent les auteurs de l'amendement,
il est prévu une réduction de cotisations sociales, dans la limite d'un
montant défini par décret. Ces derniers proposent également, au
bénéfice des salariés cette fois, une déduction des sommes
correspondantes de l'assiette de l'impôt sur le revenu.
La Fédération des usagers de la bicyclette (Fub) a salué dans cette mesure "une avancée significative",
tout en regrettant son application différée à juillet 2015 et en
émettant le vœux que les décrets d'application, qui doivent notamment
fixer le montant de l'indemnité, ne réduisent pas la portée du
dispositif. "Le bénéfice écologique du vélo dans la circulation urbaine est un fait acquis", insiste la fédération, contrairement aux voitures électriques ou hybrides "qui
ne font que déplacer les problèmes de pollution vers les sites de
production d'électricité et entérinent un encombrement abusif de
l'espace public".