Adresse de l'article (15/07/2012) : http://www.actu-environnement.com/ae/news/renaissance-industrie-nucleaire-16197.php4
Vingt ans après sa première édition, le World Nuclear Status Report 2012
dresse l'inventaire d'une industrie nucléaire en perte de vitesse dans
le contexte actuel de crise financière, et encore frappée par les effets
de Fukushima.
Durant la seule année 2011, la situation mondiale du nucléaire a été bouleversée
: 19 réacteurs nucléaires ont été définitivement déconnectés dans le
monde, tandis que 7 étaient mis en service. Quatre pays ont annoncé leur
sortie du nucléaire : l'Allemagne, la Belgique, la Suisse et Taiwan.
Cinq autres se sont retractés : l'Egypte, l'Italie, la Jordanie, le
Koweit et la Thaïlande. L'Iran est le seul pays au monde à s'être engagé
dans un programme électro-nucléaire commercial, depuis la Roumanie en
1996. Les chantiers sont arrêtés en Bulgarie et au Japon.
Etabli par les experts indépendants Mycle Schneider et Antony Froggatt en collaboration avec Julie Hazemann, le World Nuclear Industry Status Report 2012
résume la situation : en 2011 quatre nouveaux chantiers de réacteurs
ont été lancés, et en 2012 deux. La France, l'Inde, le Brésil et les
Etats-Unis ont annulé les nouveaux chantiers. Aux Pays-Bas, au
Royaume-Uni et aux Etats-Unis, des compagnies clés se sont retirées des
projets. La certification de nouvelles technologies de réacteurs est
reportée, c'est le cas du réacteur franco-allemand EPR qui ne sera pas
agréé aux Etats-Unis avant fin 2014. Dans divers pays, les chantiers en
cours ont pris du retard, en Chine, en Arménie, en Finlande et aux
Etats-Unis. Sur 59 unités en construction dans le monde, au moins 18
connaissent des retards de plusieurs années. Le projet de la centrale
Watts-Bar-2 aux Etats-Unis bat tous les records : la construction a
commencé en 1973, et la mise en service a été reportée jusqu'en 2015 ou
2016.
Chantiers en déshérence et dérive des coûts
Quant aux nouveaux candidats à l'industrie nucléaire, tels que le
Bangladesh, le Belarus, l'Indonésie, la Jordanie, la Pologne, l'Arabie
saoudite, la Turquie, les Emirats arabes unis et le Vietnam, ils
reculent devant les contraintes financières et les difficultés
d'implantation liées à leurs conditions climatiques spécifiques, comme
l'absence d'eau pour refroidir les réacteurs. Dans ces pays,
l'implantation d'énergies renouvelables et l'utilisation du gaz naturel
s'avèrent moins coûteuses et plus facile à implanter.
Les coûts de construction de certains projets se sont emballés :
celui de l'EPR a été multiplié par 4 hors inflation, celui de la
centrale de Watts-Bar-2 a augmenté de 60% au cours des cinq dernières
années. Sur 11 compagnies nucléaires, 7 ont été dégradées par l'agence
Standard & Poor's pendant la même période. Quatre compagnies sont
restées stables, mais aucune n'a vu sa note rehaussée. Les agences de
notation considèrent le nucléaire comme un secteur à risque. Moody's
s'est félicitée que les firmes allemandes RWE et E.ON se soient
débranchées des centrales en projet en Grande-Bretagne, estimant que ces
compagnies pouvaient à la place se focaliser sur des investissements
moins risqués. Moody's a également salué la décision de Siemens de se
retirer du secteur de l'électricité nucléaire, estimant que ce retrait
libérerait des fonds à investir dans des activités dotées d'une
meilleure visibilité. Tepco a perdu 96% de sa valeur depuis la
catastrophe de Fukushima, EDF 82% et Areva 88%.
Les renouvelables triomphent
En contraste avec le secteur du nucléaire, les investissements dans les énergies renouvelables
connaissent une nette accélération, malgré le contexte de crise et le
renoncement de certains pays aux tarifs de rachat régulés. Depuis 2004,
les investissements dans les énergies renouvelables ont pratiquement
quintuplé. Selon Bloomberg Energy Finance, l'investissement cumulé dans
les énergies renouvelables a augmenté de plus de 1000 milliards de
dollars depuis 2004, alors que dans le même temps les investissements
dans le nucléaire n'ont canalisé que 120 milliards de dollars. Les
variations de ces investissements sont essentiellement tributaires des
programmes électro-nucléaires chinois, la Chine concentre 40% des
chantiers de construction de centrales. Cependant, sur les 26 réacteurs
nucléaires en cours de construction ou en projet en Chine, l'Agence
internationale de l'énergie atomique (AIEA) n'a pu annoncer aucune date
de mise en fonctionnement.
La Chine est un bon marqueur
de l'évolution de l'industrie nucléaire. La puissance éolienne y a été
multipliée par 50 durant les cinq dernières années, pour atteindre 63
gigawatts (GW), soit cinq fois plus que la capacité nucléaire installée
en Chine et l'équivalent de celle de la France. L'énergie solaire
installée a été multipliée par 47 durant les cinq dernières années pour
atteindre 3,8 GW, tandis que la capacité nucléaire n'a même pas doublé,
atteignant seulement 12 GW. Depuis 2000, la capacité nucléaire de
l'Union européenne a décru de 14 GW tandis que 142 GW d'énergies
renouvelables ont été installés, soit 18% de plus que le gaz naturel,
d'une capacité de 116 GW dans l'UE.
La quantité d'électricité produite par le nucléaire n'a que très peu
augmenté durant la dernière décennie. Il en résulte que la contribution
de ce secteur au mix énergétique global est en décroissance tandis que
d'autres sources accélèrent la production. En 2011, les turbines
éoliennes ont produit 330 térawattheure (TWh) d'électricité en plus qu'à
la fin du XXème siècle, ce qui représente une hausse de la production
électrique 4 fois supérieure à la hausse de la production d'électricité
nucléaire au cours de la même période. La hausse du solaire
photovoltaïque a été impressionnante au cours des dernières années :
elle a été multipliée par 10 depuis 5 ans. En Allemagne, pour la
première fois, l'électricité produite à partir des renouvelables (122
TWh) a dépassé celle qui a été générée par le charbon (114,5 TWh) au
cours des cinq dernières années. La production d'électricité
renouvelable allemande correspond à 29% de la production française
d'électricité nucléaire. La France génère près de la moitié de
l'électricité nucléaire de l'Union européenne. En Chine, il y a tout
juste 5 ans, les centrales nucléaires produisaient 10 fois plus
d'électricité que l'éolien. En 2011, la différence n'est plus que de
30%. Les deux tiers des 31 pays nucléarisés du globe ont passé leur pic
de génération d'électricité nucléaire.