Article du site http://ecologie.blog.lemonde.fr (05/07/2012) :
C'était le 3 juillet 2011. Adrien Gontier avait décidé de dire adieu aux plats préparés ou surgelés, biscuits variés, pâtes à tartiner et autres sauces toutes préparées. Une chasse de tous les instants à l'huile de palme, dont la production, considérée comme une calamité environnementale, est responsable d'une déforestation galopante d'une grande partie de l'Indonésie et de la Malaisie. Une année plus tard, l'étudiant strasbourgeois de 26 ans fait le bilan.
C'était le 3 juillet 2011. Adrien Gontier avait décidé de dire adieu aux plats préparés ou surgelés, biscuits variés, pâtes à tartiner et autres sauces toutes préparées. Une chasse de tous les instants à l'huile de palme, dont la production, considérée comme une calamité environnementale, est responsable d'une déforestation galopante d'une grande partie de l'Indonésie et de la Malaisie. Une année plus tard, l'étudiant strasbourgeois de 26 ans fait le bilan.
"L'expérience a été progressive. Au
fur et à mesure de mes recherches, je découvrais constamment de nouveaux
produits contenant de l'huile de palme, explique-t-il. Ce n'est finalement qu'aujourd'hui que je pense l'avoir en grande partie bannie." Car
cette matière grasse bon marché se cache dans la moitié des produits
vendus en supermarché : dans les rayonnages d'alimentaire, bien sûr,
qu'il s'agisse des plats, boissons, lait pour bébé ou viennoiseries,
mais aussi au fond d'une large partie des cosmétiques et des produits
d’entretien, tels que les shampoings, gels douche, déodorants ou mousses
à raser.
Et à chaque fois, la dénicher se révèle
une tâche malaisée tant elle est présentée sous un vocable hermétique et
varié. Si, sous sa forme pure, les fabricants parlent de "graisse
végétale" ou d'"huile végétale", on retrouve aussi ses dérivés dans les
additifs alimentaires (E 304, E 305, E 471) et dans les agents actifs
(laurylsulfate sodium, acide palmitique, laureth sulfate, glycéryl
stéarate). Pour s'y retrouver, l'étudiant en thèse de géochimie a
dressé une liste de produits contenant de la palme et une liste des noms employés pour la désigner à partir d'informations glanées auprès des industriels et de ses connaissances.
Du côté des repas, Adrien Gontier n'a
pas eu l'impression de se priver : déjà habitué à manger des produits
"sains", il a opté pour des plats maison, à partir d'aliments bruts et
simples, souvent locaux et bio. "Je me suis par contre aperçu que l'huile de palme était aussi présente dans nombre d'aliments biologiques et équitables, se désole-t-il.
Les étiquettes, plus transparentes que celles des produits
conventionnels, la présentent souvent comme durable, avec le label Table
ronde sur l'huile de palme durable (RSPO). Mais en réalité, des rapports d'ONG ont prouvé que cette certification était un leurre." "Les critères du RSPO sont insuffisants et les contrôles laxistes", dénonçaient ainsi Les Amis de la Terre dans un rapport de mai 2011, estimant que certaines entreprises auraient recours à des plantations "vitrines" pour continuer à raser les forêts à tout va.
Là où l’expérience s'est vraiment
corsée, c’est lorsque Adrien Gontier a dû choisir des cosmétiques et des
produits d’entretien : "Tous les flacons vendus en supermarché
contiennent de l’huile de palme. J’ai donc dû trouver des crèmes au
beurre de karité, opter pour un rasoir électrique, et j’avais toujours
un savon naturel, à base d’huile d’olive et de levure, sur moi, afin de
l’utiliser dans les lieux publics à la place des 'pousse-mousse'
traditionnels. Ce n'était pas vraiment pratique... Pour nettoyer mon
appartement, j'ai utilisé du bicarbonate, du savon noir, du vinaigre et
des huiles essentielles."
Dernière étape de l'expérience : Adrien a
découvert que l'essence de sa voiture contenait elle aussi un peu
d'huile de palme. Sur les 10 % d'agrocarburants imposés par l'Union
européenne dans la composition du diesel, 1 % est ainsi constitué
d'huile de palme, soit l'équivalent de deux cuillères à soupe pour un
plein de 50 litres. "Cela semble négligeable, concède Adrien Gontier, mais
cette quantité devient importante lorsqu'on la multiplie par le nombre
de voitures en circulation. Sans compter que d'autres pays européens en
consomment plus : en Italie, par exemple, on trouve un litre d'huile de
palme par plein d'essence." Au total, sur les 5 millions de tonnes
de palme importées chaque année en Europe, un million se retrouve
englouti par les agrocarburants, selon les chiffres du département d'agriculture américain de 2005. "J'ai
donc essayé tant que possible de minimiser mes trajets en voiture et
privilégier les transports en commun et le vélo. Mais ce n'était pas
évident tout le temps", reconnaît l'étudiant.
"Au final, vivre en réduisant la
consommation d'huile de palme est possible à condition de limiter les
produits industriels et en lisant attentivement les étiquettes, conclut-il. Maintenant
que j'ai pris le pli, je vais poursuivre mes efforts, sauf pour les
sorties chez des amis ou restaurants, car c'était trop difficile."
Et ensuite ? l'étudiant a pensé à
d'autres challenges : vivre un an sans soja, dont la culture accentue la
déforestation en Amazonie, sans téléphone portable, pour dénoncer
l'extraction des minerais par des enfants en Afrique, ou sans déchet
(avec seulement un kg par personne et par an contre 350 kg actuellement
en France). Mais ce sera après l'écriture de sa thèse.
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